DISCOURS AUX JEUNES GÉNÉRATIONS

Il y a une vidéo qui fait le buzz ces derniers jours sur Facebook, peut être tu l’as vue passer toi aussi ? (moi j’ai environ 15 de mes contacts qui l’ont partagée, alors impossible de passer à coté !)

Et ce succès est inspirant, pour le message transmis, qui est plus que prêt à être entendu semble-t-il, avec plus de 2 millions de vues en 4 jours…!

C’est un discours comme je les aime, léger en apparence avec un message profond, d’un docteur en sciences appliquées, devenu Artiste-photographe, à un amphithéâtre d’ingénieurs jeunes diplômés d’une université belge.

Il y a plusieurs passages qui m’ont marquée, j’avais commencé à les sélectionner pour les partager en extraits ici, et puis rapidement je me suis rendue compte que j’étais en train de copier/coller quasiment tout le discours !

Alors je te mets ci-dessous la transcription intégrale du texte, ou tu peux regarder la video (9 min) en cliquant ici

Il y a plusieurs messages forts qui résonnent pour moi dans ce discours :
– placer les valeurs essentielles, comme « la joie », « le sens » ou « la collaboration » dans sa vie
– écouter ses propres envies, sa voix intérieure
– et la mort comme accélérateur d’ouverture de conscience, qui est aussi le chemin que j’ai vécu

En fait ce qui me touche le plus c’est que parler d’écouter ses propres envies, sa voix intérieure, soit en train de dépasser les « sphères » du développement personnel et spirituel.

Que dans un cadre aussi « rationnel » et normé qu’une formation d’ingénieur cela puisse désormais être exprimé, et entendu. Et cela montre à quel point une ouverture énorme est déjà réalisée, que ce mouvement est déjà accompli.

Ce n’est qu’une question de temps pour qu’il soit entendu et intégré par le plus grand nombre.

Alors ça me donne du courage et de la force. Car quand j’ai vécu mon ouverture à une quête spirituelle et à plus de sens dans ma vie il y a 10 ans, je me sentais bien seule, et décalée. Je vivais alors ce chemin pour moi, et j’ai souffert de ne pas pouvoir exprimer spontanément ces idées autour de moi. Car quand j’essayais, j’étais moquée, jugée, et je préférais alors me taire et me replier sur moi.

J’entends souvent ce concept de « masse critique minimum » atteinte pour créer un basculement et enclencher un véritable changement. Je ne sais pas si cela est vrai, ni même si c’est vérifiable d’une manière ou d’une autre dans le fond.

Mais ce qui est certain c’est qu’un mouvement bien concret est en marche, que se sentir seul aujourd’hui sur ce chemin est une illusion et un leurre. Et que si tu as toi aussi, tout comme moi l’élan de partager ta vérité et de rayonner ta vision, le moment est venu !

Ne te retiens plus, ose vibrer et rayonner ce en quoi tu crois, partage ta vision inspirante, quelque soit la forme sous laquelle tu es inspiré à le faire.

Partage ta lumière et offre au monde ton expression.

Je suis là pour t’accompagner sur ce chemin si tu as besoin <3

 

TRANSCRIPTION DU DISCOURS DE PEDRO CORREA :

« Merci à l’UCL de m’avoir laissé carte blanche pour m’exprimer sur des sujets (je pense) jamais abordés auparavant en ingénieur civil, lors de la cérémonie de remise des diplômes de cette année (des thèmes comme la joie, le burn-out, Philippe #Bihouix ou les mégaphones).
Et merci aux jeunes diplômés pour leur accueil et leurs retours enthousiasmants. Je le pressentais depuis longtemps et j’en ai la preuve chaque jour qui passe: les jeunes générations ont tout en elles pour nettoyer le monde que nous sommes en train de leur laisser.

Ci-dessous le texte du discours:
————-

Bonsoir et félicitations aux ingénieurs fraichement diplômés,

Je voulais aussi féliciter l’AILouvain, d’avoir fait preuve de courage, non seulement en m’invitant dans ce panel (ce qui est déjà assez courageux) mais surtout en mettant au centre de ces interventions et de leur programme de conférences des termes comme « le sens », « le bonheur » « et la joie au travail », au-delà de ceux sur lesquels on insistait uniquement lors des discours que j’avais à votre âge en ingénieur, et qui étaient plutôt à l’époque « le sacrifice », « le sérieux », « la compétitivité » ou « l’excellence ». Merci donc vraiment à l’UCL pour cet élan de vent frais.

Je suis d’autant plus ravis d’être ici que je parle au même endroit que l’une de mes idoles du moment (certains ont des idoles qui remplissent des stades, moi c’est un ingénieur français) : il s’appelle Philippe Bihouix et lors de la conférence qu’il a donné ici il y a quelques mois il vous invitait déjà à mettre à profit tout votre savoir-faire non pas dans les High-Techs, mais plutôt dans les Low-Techs: ces technologies qui remplacent ce qui se fait aujourd’hui, mais avec des techniques plus simples et plus sobres. Si ce que vous recherchez c’est du sens et de mettre à profit vos études d’ingénieur pour diminuer notre empreinte écologique à tous, je vous invite vraiment à lire son livre: l’Age des Low-Tech.
Tout d’abord je vous rassure: je ne suis pas venu vous donner de conseils, et encore moins de leçons. Faire un Doctorat en Sciences Appliquées pour finir artiste photographe, je pense que cela doit figurer dans le top 3 des cauchemars des parents ici présents…

Mais si je ne vais pas vous donner de conseils, c’est surtout parce que je me rends compte que nous, les plus vieux, n’avons rien à vous apprendre, et que bien au contraire, nous ferions mieux de plus vous écouter. Quand je vois les valeurs de consommation, d’égocentrisme, de compétition et de croissance continue, sur lesquelles les deux générations précédentes ont bâti le système dans lequel on surnage pour l’instant, et quand je vois les élans de solidarité, d’empathie, de collaboration, et de quête de sens qui brillent au fond des yeux des jeunes aujourd’hui… je me dis que vous êtes celles et ceux qui peuvent inverser la tendance vers une société plus heureuse et plus juste… et que vous avez déjà tout en vous.

Je vais par contre commencer par une statistique que je vais poser là, exprès pour vous faire un peu peur. C’est une donnée que l’on entend très rarement, et qui représente à mes yeux le canari dans la mine qui devrait nous alerter que quelque chose va mal : depuis 5 ans, la Belgique dépense plus de budget national en malades de longue durée (essentiellement des dépressions et des burn-outs), qu’en charges liées au chômage. Cela veut donc dire que contrairement à ce que l’on nous martèle chaque jour à propos du chômage, en sortant d’ici, vous avez plus de risque de tomber malade ou de devenir dépressifs à cause de votre emploi, que de ne pas en trouver.

Passionné de développement personnel, je me suis penché sur les causes de cette donnée, et ce résultat n’est finalement pas si étonnant. Toutes les études scientifiques en neurosciences et en psychologie du bonheur sont unanimes : placer des termes anxiogènes comme le « sérieux », l' »excellence », la « compétitivité » ou le « sacrifice » au centre de notre vie, sans en placer d’autres, essentiels, comme « la joie », « le sens » ou « la collaboration », c’est prouvé, cela ne peut que mener à la tristesse, à la fatigue, et au final, à la maladie… au burn-out.

Certains vous feront miroiter des contrats avec d’énormes voitures à la clé, et ils vous assureront que c’est la preuve ultime de la réussite. De mon côté, je ne peux que vous parler avec le gage de mon propre bonheur lorsque je me lève chaque matin pour faire mon travail, que je reste absorbé pendant des heures sans voir le temps passer à capturer des instants de beauté éphémère, et le bonheur de mes enfants avec qui je passe de longues après-midis.

Je ne peux donc que vous partager mon expérience, qui a tout d’abord été de me rendre compte que le bonheur, ça se travaille. Le bonheur ne nous tombe pas du ciel en regardant notre vie s’écouler sur des rails construits par d’autres, des rails qui vont on-ne-sait-où, plutôt que de mettre en pratique nos propres envies.

Mon chemin a commencé par cette condition, indispensable je pense, d’écouter mes propres envies, d’écouter ma voix intérieure. Cette voix intérieure n’a rien de mystique, c’est juste la propre voix de chacun, cette voix authentique qui n’a de compte à rendre à personne, celle qui vous prend aux tripes. Elle est très difficile à entendre parce que depuis tout jeunes, nous avons entassé d’autres voix par-dessus : la voix des parents, des professeurs, des pubs…

Lorsque vous regardez des enfants, vous vous rendez compte qu’ils n’ont encore que cette voix-là, leur juste voix, et c’est justement pour ça qu’ils savent exactement ce qui les rend heureux à chaque instant.

Nous avons tous en nous la voix qui sait ce qui est mieux pour nous. Il faut juste du travail sur soi pour l’entendre et la reconnaitre.

Pour moi, cela a été plus rapide: j’ai pris un raccourci et j’ai pu éviter des années d’écoute attentive pour arriver à l’entendre. C’est un raccourci, certes, mais que je ne souhaite à personne: c’était de voir mourir mon père, soudainement. Il avait 56 ans, j’en avais 29. Il était fort comme un roc un jour, et parti le lendemain. Nous savons tous que nous sommes mortels, mais la nuance est énorme entre savoir que nous sommes mortels et savoir que nous allons mourir, et que ça peut arriver du jour au lendemain.

A ce moment-là, ma voix intérieure a pris un mégaphone et a percé toutes les autres voix, pour me demander chaque jour très clairement : « maintenant que tu sais que tu pourrais mourir demain, aurais-tu changé quelque chose à cette dernière journée que tu viens de passer ? »

Et c’est impossible de vivre comme avant lorsque l’on se pose cette question à la fin de chaque journée. Cette prise de conscience a été douloureuse au début. De là sont nés d’abord de petits changements, des compromis, puis des plus grands, et puis petit à petit, cette voix est devenue un guide sur le chemin vers le bonheur.

Pour être heureux, il m’a fallu aussi trouver du sens. Je pense qu’il faut que notre vie à tous (et donc notre métier, où nous passons 8h par jour) ait du sens à nos yeux. Car notre voix intérieure sait que nous sommes tous sur le même bateau, et le bonheur ne pourra donc être atteint que si nos actions ont un impact réel sur ce bateau.

Et pour finir, il nous faut aussi du courage, parce qu’en plus d’entendre et de reconnaître votre voix, il faudra aussi avoir le courage de l’écouter, car elle ne va pas toujours dire des choses évidentes à mettre en place, ni des choses qui vont plaire à votre entourage.

On m’a souvent dit : « Mais quel courage ! Ça ne doit pas être facile de vivre en tant qu’artiste ! ». Ce à quoi je répondais : « Parce que vous croyez que c’est facile, pour un artiste, de vivre en tant que banquier? ».

Je vais terminer. Et vous l’avez compris, j’ai menti, je vous ai quand-même donné un conseil tout au long de ce discours : celui de ne pas m’écouter. Vous êtes des adultes, vous avez votre diplôme, la vie est à vous. Alors n’écoutez plus ceux issus de ce monde périmé, de ce constat d’échec que nous vivons. Ne m’écoutez plus moi, n’écoutez plus les parents, n’écoutez plus les professeurs, n’écoutez plus les pubs ni les médias, et écoutez-vous, écoutez-vous en tout premier.

Le monde n’a plus besoin de battants, de gens qui réussissent, il a besoin de rêveurs, de personnes capables de reconstruire et de prendre soin… et surtout, surtout, on a tous besoin aujourd’hui, plus que jamais, de gens heureux.

Merci.

Pedro Correa
Discours de remise des diplômes d’ingénieur civil 2019.
UCL. Louvain-La-Neuve
29/11/219
UCLouvain – Université catholique de Louvain
Alumni Ingénieurs Louvain

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